En quoi donc consistait le bénéfice de l’émigration ? C’était d’abord l’épargne de la masse de denrées que le pays aurait dû acheter ou qu’il n’aurait pas pu vendre si l’émigration n’avait réduit, pour plus de la moitié de l’année, le nombre des consommateurs. C’était ensuite l’argent liquide rapporté par les émigrants, et qui servait notamment à payer les impôts ( sous le premier empire Raymond l’évaluait dans le Puy-de-Dôme au tiers des impôts directs ) et à importer les matières de tout ordre que l’Auvergne ne produisait pas. Le revenu annuel par émigrant variait suivant les métiers ; mais il n’a jaùais été élevé, sauf pour les marchands de toile. Ce sont probablement les émigrants à temps revenus chez eux après des années d’absence qui ont apporté la contribution la plus sérieuse à la fortune du pays. Encore a-t-elle servi surtout à maintenir à haut prix la valeur de la terre que les possesseurs de quelque argent se disputaient : tel a été un des effets les plus nets de l’émigration temporaire sur la vie rurale. Un autre, et qui n’est pas négligeable, a consisté à mettre une sorte de frein à l’émigration définitive. Aujourd’hui les communes où le trafic des marchands de toile est le plus actif sont moins que les autres abandonnées par leurs habitants.
Le Cézallier doit à l’émigration temporaire ce qu’ont d’urbain Condat-en-Feniers ( 2 611 ha ; 1120 aggl. ) et Marcenat ( 2 619 ha. ; 1265 aggl.), les bourgs des marchands de toile, aux belles maisons neuves pourvues de garages, aux nombreux cafés, aux hôtels achalandés par les représentants des grosses maisons de tissus. »